Le droit de la preuve donne souvent des illustrations fort amusantes des principes de loyauté et de sincérité. Des illustrations qui, à l’issue de longues et coûteuses procédures, font s’effondrer de la manière la plus pitoyable qui soit tout l’édifice de fines stratégies longuement réfléchies et audacieusement mises à exécution. Il en est par exemple allé ainsi d’une SARL COLOM, qui, par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 18 mars 2008, a vu son stratagème d’espionnage de l’une de ses salariées très dogmatiquement désapprouvé. Il s’agissait pourtant dans cette affaire de rassembler les preuves des forfaitures commises par une vendeuse, qui prélevait allègrement dans la caisse de quoi arrondir ses fins de mois. La disparition du montant des achats en espèces, qui ne figurait plus dans la caisse, avait ainsi d’abord été constatée par huissier. Puis, ce même huissier avait imaginé un stratagème consistant à faire effectuer, dans les différentes boutiques du demandeur et par des tiers qu’il avait dépêchés, des achats en espèces, pour ensuite procéder, après la fermeture du magasin et hors de la présence de la salariée, à un contrôle des caisses et du registre des ventes. Ces preuves en mains, l’employeur avait cru pouvoir valablement motiver un licenciement pour faute grave pour détournement d’espèces. C’était sans compter sur la rigueur de la justice, et la témérité, aussi, de certains plaideurs. En effet, la salariée licenciée avait alors pris l’initiative de contester la réalité et le sérieux du motif de son licenciement. La Cour d’Appel lui a d’abord donné raison. Puis, la Cour de Cassation a confirmé cette décision en rappelant que les éléments de preuve produits devant le juge ne sauraient avoir été obtenus de manière frauduleuse ou déloyale. En effet, prévient-elle, « si un constat d’huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillance nécessitant l’information préalable du salarié, en revanche il est interdit à cet officier ministériel d’avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve ». Or, en l’espèce, « l’huissier ne s’était pas borné à faire des constatations matérielles mais avait eu recours à un stratagème pour confondre la salariée ». Par conséquent, le comportement fautif de la vendeuse, même incontestablement mis à jour, ne pouvait caractériser une faute grave. Tel est ainsi pris qui croyait prendre. La Cour de Cassation désavoue cruellement, par cette décision, l’illustre Machiavel : la fin ne saurait en cette matière nullement justifier les moyens.
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