Un vent de folie douce souffle sur la magistrature ces temps-ci…
En effet, le Tribunal Correctionnel d’Orléans a prononcé la relaxe, le 9 décembre dernier et pour la première fois en France, des 49 faucheurs d’OGM poursuivis pour « dégradation grave du bien d’autrui commise en réunion » qui comparaissaient, sur plainte de la très interlope société MONSANTO, devant lui.
Ce qui fait de ce jugement une réelle avant-première, c’est l’acceptation par les juges d’une cause tout à fait exceptionnelle d’irresponsabilité pénale : l’ « état de nécessité ». Qu’est-ce à dire ?
Il s’agit, selon les juges, de « la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n’a d’autre ressource que d’accomplir un acte défendu par la loi pénale ». On se souvient à ce sujet que la Cour de Cassation, dans un arrêt qui a été largement débattu, avait refusé le bénéfice de l’état de nécessité à une femme qui avait volé de la viande pour ses enfants dans un supermarché, ses difficultés financières étant insuffisantes pour caractériser un danger réel et imminent.
Les juges d’Orléans vont conclure de cette définition que celui qui agit en état de nécessité commet un acte « socialement utile », et défend par là un intérêt collectif, que la collectivité n’a aucun intérêt à sanctionner. Ajouter cette nuance à la rigueur du texte était déjà faire preuve d’audace. Mais le Tribunal poursuit : l’intérêt supérieur qu’il s’agit ici de sauvegarder doit être apprécié au regard de l’évolution de la société, dont témoigne notamment l’insertion du « principe de précaution » et du « droit à un environnement sain » dans la Constitution, ainsi que dans un grand nombre d’instruments juridiques internationaux.
C’était faire là un joli piedenné au législateur, qui, s’étant montré fort bégueule dans la rédaction de la Charte de l’Environnement, s’évertuant à lui ôter toute portée normative, est aujourd’hui bien attrapé… Mais nous aurons aussi une pensée émue pour Montesquieu, le plus illustre de nos théoriciens du droit, qui doit aujourd’hui se retourner dans sa tombe : son « Esprit des lois » se trouve tous les jours démenti par la pratique, car nos juges ont pris du grade et, à l’origine « bouches de la loi », ils sont devenus l’esprit de celle-ci ! C’est évidemment un coup d’état silencieux, les fins limiers l’auront compris… Est-il encore question du « gouvernement des juges », ce débat récurrent qui fait ronfler les étudiants en faculté de droit ? Non, il s’agit seulement d’un constat : il existe aujourd’hui aux côtés du législateur, un « jurislateur », en la personne du juge.
Plus qu’appliquer la loi, il dit aujourd’hui le droit. Celui qui est écrit et celui qui est sous-entendu ; en humant l’air du temps…
Poursuivons. Le juge, conscient de sa hardiesse, n’a pas manqué, pourtant, de justifier sa position. Et la lecture du jugement est édifiante, car il fait à lui seul la lumière sur un débat que les scientifiques eux-mêmes semblent ne pas comprendre.
Qui a alors dit que le langage de la Justice française, fait de syllogismes douteux, était abscons ? Les temps semblent être au changement. Les 27 pages de motifs que compte ce brillant jugement en forme de sentence américaine sauront vous en convaincre.
Mais il y a mieux : ce vent de folie douce souffle sur toute la France puisque le Tribunal Correctionnel de Versailles vient de rendre un jugement dans le même sens, le 12 janvier dernier, au bénéfice des 9 membres de la Confédération paysanne qui avaient, en juillet 2003, fauché une parcelle de maïs transgénique. Ces OGM, décidément, corrompent les esprits sains...
Mais rien n’est encore fixé, puisque l’appel plane sur ces affaires et il se pourrait que les moins courageux de nos magistrats viennent réduire ces belles avancées à néant. En attendant, toutefois, les faucheurs d’OGM, devant le Tribunal d’Orléans, auront tiré leur révérence…
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