Après le Pacte National pour l’Emploi, le Stage d’Insertion à la Vie Professionnelle, les Travaux d’Utilité Collective, le Contrat Emploi-Solidarité, le Contrat d’Insertion Professionnelle, le Contrat Emplois-Jeunes, le Contrat Jeune en Entreprise, le Contrat d’Insertion dans la Vie Sociale, pour ne citer que huit des 35 mesures prises « en faveur des jeunes » ces trente dernières années, l’année 2006 aura elle aussi son fleuron d’inopérance avec son Contrat Première Embauche, mort-né, et son Contrat Nouvelle Embauche, rescapé chétif des foudres judiciaires.
En effet, le Conseil d’Etat, saisi par les syndicats, a, dans un arrêt du 19 octobre 2005, souligné que si l’employeur pouvait, dans le montage fumeux imaginé par le gouvernement pour servir la gente patronale, ne pas justifier la rupture d’un CNE par un motif présentant un caractère réel et sérieux, en revanche il demeurait tenu - à cause d’un oubli fâcheux dans la liste des articles du code du travail auquel ce contrat déroge - par les dispositions des articles L.122-40 à L.122-44 relatives aux procédures disciplinaires dans l’entreprise, lesquelles resteront ainsi régies par le principe du contradictoire et le respect des droits de la défense. A cela s’ajoute l’embarrassant principe général du droit faisant obligation de respecter une procédure contradictoire dans les cas de licenciement prononcés pour un motif disciplinaire. Quel désaveu, mon Dieu, quel désaveu !
Mais il y a plus : le Conseil d’Etat a également rappelé que l’article L.122-45, n’étant pas visé dans l’Ordonnance critiquée du 2 août 2005, trouverait également à s’appliquer. Et là je dis : « Patrons : vous avez été abusés ! » : même les mesures discriminatoires vous sont interdites ! Finies les douces rêveries au nettoyage ethnique, les grands projets de syncrétismes religieux, les fantasmes des complicités politiques, les folles espérances d’éradication des appartenances syndicales… Mais il faut ici se rendre à l’évidence : toutes ces frustrations, imposées aux employeurs, seront contreproductives. Briser les utopies patronales n’est pas bon. Et les chiffres du chômage, j’en ai bien peur, resteront les mêmes…
Heureusement, me direz-vous, ils sont nombreux à ne pas connaître les nuances dont est faite la loi. Oui, mais le juge sera là pour les leur rappeler. Car, si la rupture du CNE peut intervenir sans motif, il est un paragraphe de l’arrêt commenté qui, malheureusement, n’est que trop clair : « l’ordonnance attaquée n’a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge, afin que celui-ci puisse vérifier que la rupture n’a pas un caractère abusif »
Ce que cela signifie ? Et bien tout simplement que si l’employeur peut rester muet face à celui qu’il congédie, il ne le pourra pas devant le juge. Et ses confessions devront être exemptes de tout reproche, faute de quoi les Pater noster seront difficiles à avaler. A croire que le CNE a été adopté pour multiplier les contentieux judiciaires et populariser l’office du juge ! Voilà qui devrait faire le pain béni des avocats.
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