Le 8 avril dernier, la Cour de Cassation a rendu une décision très attendue, qui mettait en scène le géant français du nucléaire, la société SPCEA Areva, et les associations Greenpeace France et Greenpeace New Zealand, à la suite d’une campagne de communication menée par ces dernières sur les dangers du nucléaire.
Lors de cette campagne, les deux associations avaient reproduit sur leurs sites Internet la lettre A stylisée de la marque de la société Areva et la dénomination A Areva en les associant respectivement à une tête de mort et au slogan "Stop plutonium-l'arrêt va de soi" dont les lettres A reprenaient le logo et en plaçant la lettre A sur le corps d'un poisson mort. Ces jolis coloriages n’ayant malgré tout pas été du goût de la société Areva, celle-ci a assigné les associations en référé pour faire supprimer toute reproduction, imitation et usage de ses marques et toute référence illicite à celles-ci puis, au fond, en contrefaçon par reproduction et par imitation des deux marques, ainsi que pour des actes fautifs supplémentaires, estimant que les mentions des deux marques ainsi caricaturées sur les sites Internet discréditaient et dévalorisaient l'image de ces marques.
Sur l’action au fond, le tribunal de première instance a débouté la société demanderesse. Puis, en appel, la Cour a fait droit à ses demandes et a interdit la poursuite des caricatures. La Cour de Cassation, saisie par le pourvoi des associations, va, contre toute attente, leur donner raison. Malgré les cris d’Orphée poussés par Areva quant à sa vertu souillée et son honneur sali par les vils brocards, la Cour de Cassation a considéré que les actes reprochés aux associations par l'utilisation litigieuse de ses marques ne visaient pas la société mais les marques déposées par elle et en conséquence les produits ou services que ces marques servent à distinguer, de sorte qu'il était porté atteinte à ses activités et services et non à l'honneur ou à la considération de la personne morale. Notez à ce stade que la distinction, quelque peu byzantine, entre le dénigrement de la personne morale et celui de ses activités, n’avait déjà rien d’une évidence. Mais la Cour ajoute à son raisonnement, pour enfoncer le clou sur le fond, et dans un élan de militantisme remarquable, que les deux associations ont agi conformément à leur objet, dans un but d'intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin, et n’ont ainsi pas abusé de leur droit de libre expression. Après analyse, vous ne nierez pas que cet arrêt, contrairement à celui des activités nucléaires d’Areva, n’allait nullement de soi.
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