Inégale répudiation

Délicate question que celle de la répudiation. Délicate parce que la vocation universaliste de nos grands principes occidentaux agace le reste du monde.

Alors que, par pragmatisme surtout, la jurisprudence des tribunaux français reconnaissait, jusqu’à il y a peu, et sous certaines conditions, la faculté de répudiation donnée aux maris dans certains pays musulmans, deux arrêts de cassation sont venus mettre définitivement fin à cette doctrine, plaçant l’entière communauté des résidents français sous l’empire de la loi française et européenne, et sous son empire seulement.

 

C’est ainsi que, le 25 octobre dernier, par un arrêt remarqué, la 1e chambre civile de la Cour de Cassation s’est interrogée sur le point de savoir si le jugement d’un tribunal marocain prononçant un divorce par répudiation unilatérale du mari devait être ou non reconnu en France.

Cet arrêt fait suite et confirme une décision de principe rendue le 17 février 2004 et opérant un revirement dans la jurisprudence antérieure qui se bornait à vérifier, par une appréciation in concreto des causes, le respect de garanties procédurales de nature à protéger les droits de l’épouse – absence de fraude dans le choix du tribunal, respect du principe du contradictoire et des garanties de la défense, compensation financière.

Par motifs empruntés, la Cour de Cassation va ainsi expliquer en quoi la faculté de répudiation unilatérale du mari contrevient au principe d’égalité des époux, consacré par un des protocoles additionnels à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme de 1950, lors de la dissolution du mariage, ainsi qu’à l’ordre public international.

 

Cependant, entendons-nous : le problème ne réside pas tant dans la répudiation elle-même, qui n’est finalement qu’une forme de divorce, mais dans l’inégalité qu’elle instaure entre homme et femme au sein du couple.

C’est bien ainsi que l’a entendu le législateur en France, qui, en votant la loi du 24 mai 2004, a créé le « divorce pour altération définitive du lien conjugal », permettant à l’un des époux d’imposer à l’autre le divorce, sans grief, sans opposition et sans refus possible du juge, consacrant ainsi pudiquement l’existence de la répudiation en droit français.

 

Loin d’être un hommage au Prophète, il s’agissait surtout de reconnaître la vérité des propos tenus un jour par Montesquieu : « Rien ne contribue plus à l’attachement mutuel que la faculté du divorce : un mari et une femme sont portés à soutenir patiemment les peines domestiques, sachant qu’ils sont maîtres de les faire finir ». Toute la pertinence de ce bon mot réside dans le pluriel qui y est employé.

C’est précisément ce qu’ont voulu affirmer nos juges.