Déploiement de la 5G en France: Contexte juridique et technique

Alors que la crise sanitaire a mis la protection de la santé humaine sur le devant de la scène, le déploiement de la 5G suscite de nombreuses critiques. Si la crise a eu pour effet de retarder son déploiement de plusieurs mois, l’ARCEP ayant dû décaler l’organisation d’enchères pour l’attribution des fréquences, la 5G n’est pas pour autant enterrée.

 

Nous proposons ici un aperçu du contexte juridique du déploiement de la 5G en France, de ses aspects techniques essentiels et des études scientifiques sur les risques sanitaires.

 

Le contexte juridique du déploiement

 

Le plan d’action pour la 5G en Europe (1) et l’article 54 de la directive 2018/1972 fixent un calendrier européen commun : son introduction commerciale à grande échelle est prévue d’ici la fin de l’année 2020 au plus tard.

Des bandes de fréquences communes ont également été identifiées au niveau européen (2), à savoir :

 

 - La bande 3,4 – 3,8 GHz, considérée comme « présentant un potentiel considérable pour devenir une bande stratégique pour le lancement de la 5G en Europe » (3) ;

- Et la bande 24,25 – 27,5 GHz.

 

En France, une procédure a donc été lancée pour attribuer des autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,4 GHz – 3,8 GHz.

 

Cette procédure est fixée par l’article L.42-2 du Code des postes et des télécommunications, lequel permet d’attribuer un nombre limité d’autorisations d’utilisation de fréquences après consultation publique. Les conditions d’attribution des autorisations d’utilisation sont fixées par le ministre chargé des communications électroniques et la sélection se fait par appel à candidatures sur des critères objectifs ou par enchères.

 

Pour ce faire, de juillet à septembre 2019, une consultation publique a été organisée par l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) sur les modalités d'attribution de ces fréquences.

 

Il convient de noter que cette consultation était essentiellement centrée sur les problématiques d’attribution des fréquences (fréquences concernées, modalités d’attribution, engagements de couverture afférents, charges financières…) et non sur les questions sanitaires ou environnementales4.

 

Suite à la consultation, les modalités d’attribution des autorisations ont été adoptées par arrêté en date du 30 décembre 2019. L’attribution des fréquences doit être réalisée en deux étapes : premièrement, l’attribution de quatre blocs de fréquences de 50 MHz aux opérateurs ayant souscrit aux engagements prévus et deuxièmement, l’attribution des blocs de fréquences encore disponibles par une mise aux enchères. Un décret a également été pris le 31 décembre 2019 afin de fixer le coût des redevances dues au titre de l’utilisation des fréquences. 

 

Depuis, l’ARCEP a lancé un appel à candidatures, auquel ont répondu Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR. L’ARCEP a procédé à l’instruction des dossiers et a conclu qu’ils pourront chacun obtenir un bloc de 50 MHz5. Cependant, les enchères prévues au mois d’avril n’ont pu être organisées à cause de Covid-19 et auront vraisemblablement lieu fin juillet ou début septembre6La décision d’attribution des fréquences de l’ARCEP n’interviendra donc pas avant plusieurs mois et l’ouverture commerciale de la 5G, prévue par l’ARCEP pour décembre 2020 au plus tard7, sera vraisemblablement décalée.


Aspects techniques essentiels

 

Tous les 10 ans, une nouvelle technologie de téléphonie mobile sans fil est développée pour de nouveaux usages. L’objectif principal de la technologie 5G est le passage de l’internet mobile à l’internet des objets (ou IoT, Internet of Things), dont les domaines d’application sont la ville intelligente ou encore les voitures autonomes8. La 5G va aussi augmenter le débit de communications mobiles pour permettre le développement d’applications de réalité virtuelle et augmentée.

L’objectif est de multiplier le débit par 10 pour faciliter le développement d’applications de réalité virtuelle et augmentée, de diviser par 10 le temps de latence du réseau (temps de réponse) pour permettre le développement de la voiture autonome et enfin de multiplier par 10 le nombre d’objets pouvant être connectés simultanément pour l’Internet des objets9.


Pour ce faire, un ensemble de technologies a été développé. Ainsi, la notion de « 5G » ne correspond pas à une technologie unique, mais à un ensemble de technologies correspondant au standard « 5G NR » défini par le 3GPP (3rd Generation Partnership Project), le principal organisme de standardisation international en la matière.

 

Les éléments clefs sont les suivants.

 

 

L’utilisation de nouvelles bandes de fréquences plus hautes.

Les fréquences plus élevées, dites bandes millimétriques (24 à 80 GHz, tandis que les ondes utilisées pour la 4G sont comprises entre 0,7 et 2,7 GHz) ont l’avantage d’être très denses et capables de transmettre des quantités importantes de données très rapidement. C’est principalement l’usage de ces ondes qui permettra d’augmenter le débit, d’autant qu’elles ne sont pour l’instant pas utilisées par les réseaux actuels et sont donc largement disponibles10. Cependant, ces ondes se propagent moins loin et permettent de couvrir une zone plus limitée que des ondes aux fréquences plus basses. C’est pour cela que la bande 3,4 – 3,8 GHz a été identifiée comme « bande stratégique pour le lancement de la 5G »11 : elle offre un bon compromis entre couverture et débit. Ce n’est cependant que lorsque les bandes millimétriques (vraisemblablement la bande 24,25 -27,5 GHz) seront utilisées que la 5G déploiera tout son potentiel en matière de débit.

 

La mise en place d’un réseau d’antennes massive MIMO


Les utilisateurs recevant en moyenne plus de données du réseau (téléchargement de vidéos…) qu’ils n’en envoient (envoi de mail…), un mode de circulation à sens unique avec circulation alternée sera mis en place pour tirer parti du spectre disponible de l’utilisateur vers les antennes17.

 


Notons cependant que la « 5G » qui devrait se déployer en 2020-2021 en France ne remplira pas toutes ces caractéristiques techniques, notamment parce que ce sont les ondes des fréquences 3,4 – 3,8 GHz qui seront utilisées au lieu des ondes millimétriques. Cela sera donc plutôt une forme de 4,9G, une évolution de la 4G avec l’introduction de certaines technologies18, en particulier les antennes massive MIMO19.

 

Les études scientifiques sur les risques sanitaires

Le 9 février 2019, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a été saisie par les ministères en charge de la santé, de l’environnement et de l’économie afin de conduire une expertise relative à l’exposition de la population aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie de communication « 5G » et aux effets sanitaires associés. Il s’agissait pour l’ANSES de réaliser un état des lieux de la littérature scientifique sur le sujet.

 

Les travaux de l’ANSES ne sont pas encore achevés mais elle a déjà pu publier un rapport préliminaire faisant état des travaux menés jusqu’ici. 

 

Tout d’abord, l’ANSES relève que la 5G fera évoluer les schémas d’exposition : les antennes massive MIMO dirigeront le signal radio uniquement vers les utilisateurs quand ils en ont besoin, donc les puissances instantanées seraient plus importantes mais théoriquement plus limitées dans le temps et dans l’espace. Pour l’ANSES, les méthodes de mesure de l’exposition du public devront être adaptées en conséquence20.

 

Ensuite, l’ANSES met en lumière un « manque important voire une absence de données relatives aux effets biologiques et sanitaires potentiels dans les bandes de fréquences considérées » pour le déploiement dès 2020 de la 5G, à savoir la bande de fréquences 3,4-3,8 GHz21. 4 études seulement ont été identifiées par l’ANSES sur cette bande de fréquences.

 

Compte-tenu de cette quasi-absence d’études scientifiques sur les effets sanitaires de la 5G et en vertu du principe de précaution, de nombreux scientifiques ont appelé à un moratoire sur le déploiement de la 5G22.

 

Dans ce contexte, le cabinet Artemisia se mobilise sur le sujet et étudie la faisabilité juridique d’un contentieux. Nous vous invitons à nous écrire si vous souhaitez vous joindre à cette initiative. 


[1] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : « Un plan d’action pour la 5G en Europe », COM(2016)588 final. 

[2] Article 54 de la Directive 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil établissant le Code des communications électroniques européen.

[3] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : « Un plan d’action pour la 5G en Europe », COM(2016)588 final, page 6.

[4] Projet de décision de l’ARCEP soumis à consultation publique. 

[5] Site de l’ARCEP. 

[6] Audition du président de l’ARCEP par la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat en date du 22 avril 2020. 

[7] Décision n° 2019-1386 de l’ARCEP en date du 21 novembre 2019. 

[8] ARCEP, ‘Évaluation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques 5G. Volet 1 : présentation générale de la 5G’ (2019) , page 5.

[9] ARCEP, ‘Évaluation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques 5G. Volet 1 : présentation générale de la 5G’ (2019) , page 6.

[10] B. O’Donnell pour Forbes, ‘The 5G Landscape, Part 2 : Spectrum and Devices’ (2019).

[11] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : « Un plan d’action pour la 5G en Europe », COM(2016)588 final, page 6.

[12] ARCEP, ‘Évaluation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques 5G. Volet 1 : présentation générale de la 5G’ (2019), page 2.

[13] ARCEP, ‘Évaluation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques 5G. Volet 1 : présentation générale de la 5G’ (2019), pages 13 et 14.

[14] Site d’Orange relatif au déploiement de la 5G. 

[15] ARCEP, ‘Évaluation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques 5G. Volet 1 : présentation générale de la 5G’ (2019), page 8.

[16] ARCEP, ‘Évaluation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques 5G. Volet 1 : présentation générale de la 5G’ (2019), page 15.

[17] ARCEP, ‘Évaluation de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques 5G. Volet 1 : présentation générale de la 5G’ (2019), page 10.

[18] ARCEP, ‘Les enjeux de la 5G’ (2017), page 9.

[19] Site d’Orange relatif au déploiement de la 5G. 

[20] ANSES, ‘Exposition de la population aux champs électromagnétiques liées au déploiement de la technologie de communication « 5G » et effets sanitaires associés’, page 48.

[21] ANSES, ‘Exposition de la population aux champs électromagnétiques liées au déploiement de la technologie de communication « 5G » et effets sanitaires associés’, page 47.

[22] Voir notamment l’appel de 180 scientifiques, principalement européens, de 2017.