Nous avons déjà consacré de longs développements au droit de la preuve et à ses polissonnes illustrations jurisprudentielles, qui font souvent prévaloir – surtout en matière sociale, moins en matière familiale – la forme sur le fond et refusent d’admettre la réalité de faits rapportés sournoisement. La justice fait donc mouche en mettant un point d’honneur – un brin désuet dans le contexte de délitement des valeurs morales que nous connaissons actuellement – à sanctionner les comportements déloyaux.
Les illustrations de cette exemplaire rigueur morale sont si nombreux qu’ils pourraient, à eux seuls, faire l’objet d’un volumineux « bêtisier de la preuve » qui, s’il existait, serait à n’en pas douter l’ouvrage le plus consulté des rayons juridiques de nos bibliothèques, tant les litiges soulevés en cette matière font sourire. Avant que de nous atteler à la constitution d’une telle anthologie jurisprudentielle et humoristique, nous ne résisterons pas à la tentation de vous exposer, encore, les réjouissants faits et motifs contenus dans un arrêt de la Cour de Cassation du 18 mars dernier, à l’occasion duquel la Haute Juridiction s’est à nouveau indignée contre les manœuvres d’un employeur à l’égard de l’un de ses salariés.
En effet, celui-ci avait requis certains cadres de son entreprises, en leur fournissant des clichés du salarié concerné, aux fins de se présenter, comme de simples clients, au restaurant de l’épouse de ce dernier, sans révéler leur qualité et le but de leur visite, dans le but de dresser un rapport et d’apporter des témoignages établissant que ledit salarié assurait le service de ce restaurant en partie pendant son temps de travail. Ceci afin de le sanctionner. Au contraire de la décision de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation a considéré que c’était en violation de l’article 9 du Code de Procédure Civile, qui prévoit que les parties ne peuvent prouver les faits nécessaires au succès de leur prétention que dans les limites strictes de la loi, que les juges du fond avaient considéré que la sanction prononcée était régulière et fondée, alors que la filature du salarié sanctionné avait été exécutée « de manière clandestine et déloyale, en ayant recours à un stratagème ». Pour dissuader enfin les plaideurs imprudents, la Cour rappelle également, après l’avoir pourtant déjà plusieurs fois seriné, que « si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de surveillance clandestin et à ce titre déloyal ». Sherlock Holmes ne se joue donc plus sur le lieu de travail ?
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