Contrat Nouvelle Débauche

Le lundi 20 février 2006, et pour la première fois depuis son entrée en vigueur, le conseil de prud’hommes de Longjumeau, dans l’Essonne, s’est prononcé sur l’application du Contrat Nouvelle Embauche.

 

Dans cette affaire, rien que de très prévisible : un salarié de 51 ans, contrôleur technique automobile, avait été embauché, initialement, en CDI. Son contrat, deux jours après l’entrée en vigueur de l’Ordonnance et avant la fin de sa période d’essai, est, fort opportunément, dénoncé. Pourtant, le même jour, ce même salarié est réembauché par la même société (ou presque, une succursale) pour travailler sur le même poste, dans le même secteur d’activité. Seule différence : le contrat est cette fois un CNE. Seulement, trois semaines plus tard, et sans qu’aucun motif ne lui soit donné, ce salarié est à nouveau congédié. « Pourquoi ? » ose-t-on secrètement s’interroger. Depuis l’Ordonnance du 2 août 2005, il faudra cesser de vous poser ce genre de questions, qui sont désormais interrogatio non grata dans les 96 % d’entreprises françaises concernées par le CNE. Pourtant, notre héraut a vu sa curiosité récompensée. Les deux sociétés en cause ont été condamnées à lui verser pas moins de 17.500 Euros de dommages et intérêts pour rupture et recours abusifs au CNE ! Et il ne s’agit là que du premier d’une longue série de licenciements délicieusement arbitraires qui passeront par les fourches caudines du juge. En effet, le CNE a déjà fait des siennes : ici, c’est un employé remercié pour dix minutes de retard, là une jeune femme licenciée quelques jours après avoir annoncé sa grossesse, dans le nord de la France, un boucher renvoyé pour avoir fait ses courses « en jogging », un jour de repos, dans le supermarché où il travaillait habituellement, et très souvent, des travailleurs congédiés après avoir demandé le paiement de leurs heures supplémentaires.

Nous vivons une époque formidable ! Sous nos yeux est en train de se peindre un paysage jurisprudentiel délirant : grâce au providentiel CNE, les patrons vont enfin donner libre cours à leurs plus hilarants travers, à leurs plus folles fantaisies : imaginez un peu, juste l’instant d’une seconde… une coupe de cheveux pas assez polissonne, un affreux bouton sur le nez, une jupe qui n’est pas assez courte, un décolleté pas assez coquin, un accent trop efféminé ; voire, pour les plus intimes, des affinités un peu trop orthodoxes ou bien au contraire des penchants par trop insolites… et puis, pour les récalcitrants, un coup de pied au derrière, un croc-en-jambe bien placé, une porte qui se claque, d’inédites mortifications ou de menues vexations…

 

Jamais Premier Ministre, vraiment, n’avait si bien servi les desseins de la classe dirigeante, si prestement sondé leurs besoins, si doucement allégé leur quotidien...