Le juge, comme le reste de la société, s’intéresse à la notion et aux implications du développement durable. A ce sujet, il estime avoir son mot à dire. Un mot d’autant plus important qu’il intervient lui aussi dans la définition, aux contours évolutifs, de la notion d’intérêt général. Il mêle ainsi aujourd’hui ces deux concepts avec une effronterie remarquable. Et le pouvoir politique n’a qu’à bien se tenir !
Un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Lyon en date du 13 novembre 2007 ouvre dans ce domaine des perspectives intéressantes. Le juge administratif examinait dans cette affaire la régularité, validée par le tribunal de 1e instance, de la délibération de la Communauté Urbaine de Lyon décidant de supprimer le classement en espace boisé d’un terrain de 3500 m², aménagé en jardin public dans le centre ville de Lyon. L’objectif de cette opération était de créer un parc de stationnement souterrain contenant 468 places, réparties sur six niveaux, à l’attention spéciale des véhicules personnels des agents du Département pendant les jours ouvrables, et de la population locale la nuit et les jours fériés. Le jardin devait être reconstitué à l’issue de l’opération.
Pour modifier la destination urbanistique de ce terrain, la révision simplifiée du Plan Local d’Urbanisme de Lyon était nécessaire, mais conditionnée par la démonstration d’un intérêt général. C’est sur ce terrain qu’une association de riverains s’est battue. Les requérants faisaient ainsi valoir qu’une telle opération ne pouvait présenter un intérêt général dès lors que le quartier était suffisamment desservi par les transports en commun, mode de déplacement à privilégier, contrairement aux véhicules motorisés individuels, témoins de la logique rétrograde dans laquelle sont enlisés les pouvoirs publics.
Si le Tribunal Administratif n’a pas souhaité s’immiscer dans l’appréciation de l’opportunité même des décisions prises, la Cour d’Appel a fait preuve d’une plus grande audace en évaluant l’intérêt général au regard notamment des objectifs fixés par la loi sur l’air du 31 décembre 1996. Mais son « Considérant » le plus remarquable, celui qui fera peut-être date, est formulé en ces termes : « Considérant qu’il revient à la collectivité d’assurer les conditions d’un renversement de tendance dans la répartition des déplacements entre les différents modes de transport, en diminuant l’usage de la voiture individuelle pour les déplacements pendulaires ».
Quelle fraîcheur dans le regard porté par ces magistrats sur la notion d’intérêt général, constamment ré-actualisée !
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