Si l’association dite « loi 1901 » est la structure juridique à laquelle on pense le plus spontanément pour mener un projet à but non lucratif, d’autres structures juridiques sont de plus en plus utilisées (fonds de dotation, fondation d’utilité publique, fondation d’entreprise…) et peuvent être plus adaptées. Nous proposons ici un petit mode d’emploi synthétique, à l’usage des personnes souhaitant créer une structure non lucrative.
L’association loi de 1901
L’association loi de 1901 est l’option la plus évidente et présente des avantages certains.
Tout d’abord, pour la création d’une telle association, vous bénéficiez d’une grande liberté car vous pouvez adapter très librement les statuts aux spécificités de votre organisation et de votre projet. Vous n’avez pas non plus à apporter une somme minimale lors de la création de l’association. Il suffit donc de rédiger les statuts, de déterminer l’objet et le siège social et de déclarer l’association pour qu’elle dispose de la capacité juridique.
Ensuite, la liberté statutaire implique que vous ayez toute liberté dans l’utilisation des fonds de l’association : rien ne vous empêche d’utiliser directement tous les dons collectés.
En outre, une association loi de 1901 régulièrement déclarée peut recevoir des dons manuels et des dons d’établissements d’utilité publique (article 6 de la loi de 1901). Elle peut également faire un appel public aux dons afin de soutenir une cause scientifique, sociale, familiale, humanitaire, philanthropique, éducative, sportive, culturelle ou concourant à la défense de l'environnement. Elle doit alors en faire la déclaration préalable auprès du préfet lorsque le montant des dons collectés au cours des deux exercices précédents ou de l’exercice en cours excède 153 000 euros. Elle doit aussi établir un compte d’emploi annuel des ressources collectées auprès du public.
En matière fiscale, les associations loi 1901 sont exemptées d’impôts commerciaux (TVA, impôts sur les sociétés et cotisation foncière des entreprises) si leur gestion est désintéressée (voir définition ci-dessous), si leurs activités non lucratives sont significativement prépondérantes et si les recettes de leurs activités lucratives ne dépassent pas 72 000 euros pour l’année 2020 (seuil réévalué chaque année). Cependant, elles sont soumises à l’impôt sur les sociétés (à taux réduit) en raison de leurs revenus patrimoniaux (revenus de la location d’immeubles, revenus issus de placements, notamment les dividendes…) qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives.
L’émission de reçus fiscaux : l’association loi de 1901 d’intérêt général
Si une association loi de 1901 remplit certaines conditions, elle sera qualifiée d’intérêt général.
Seuls les organismes sans but lucratif d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en œuvre du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises peuvent émettre des reçus fiscaux. Ces reçus permettent aux particuliers et aux entreprises faisant des dons manuels à l’association de bénéficier de réductions d’impôts de 66% et 60% respectivement et de ne pas payer de droits de succession.
En outre, depuis la loi sur l’Économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014, les associations d’intérêt général, si elles sont déclarées depuis 3 ans, peuvent recevoir des dons par acte notarié (et non de simples dons manuels) et des legs (libéralités consenties par testament) par simple déclaration auprès du préfet, qui peut cependant s’y opposer. Ces dons et legs sont cependant soumis aux droits de succession (à hauteur de 60% de leur montant).
Pour qu’une association soit considérée d’intérêt général, les conditions requises sont les suivantes :
- L’association ne fait pas l’objet d’une gestion intéressée ;
- L’association n’exerce pas d’activité lucrative ;
- L’association ne fonctionne pas au profit d’un cercle restreint de personnes.
La gestion désintéressée
Pour qu’une association soit gérée de manière désintéressée, elle ne doit procéder à aucune distribution de bénéfices ou attribution d’une part quelconque d’actifs, et ses dirigeants ne doivent pas avoir d’intérêt direct ou indirect dans ses résultats.
En outre, en principe, l’association doit être gérée et administrée à titre bénévole. Cependant, la rémunération des dirigeants et salariés est possible si un certain nombre de précautions sont prises.
S’agissant des salariés de l’association, le montant des salaires alloués doit correspondre à un travail effectif et ne doit pas être excessif par rapport aux services rendus et aux usages professionnels. Les salariés peuvent participer au conseil d’administration dès lors qu’ils n’y jouent pas un rôle prépondérant (ils ne doivent donc pas représenter plus du quart de ses membres et ne doivent pas siéger au bureau).
S’agissant des dirigeants de l’association, par principe, leur rémunération brute mensuelle ne peut dépasser les trois quarts du SMIC. Un nombre limité de dirigeants, fixé en fonction des ressources de l’association, peut cependant être rémunéré au-delà de ce montant, mais seulement à partir de la quatrième année d’existence de l’association et sous réserve du respect d’un certain nombre de conditions.
Ces principes sont très stricts car sont considérés comme dirigeants non seulement les dirigeants de droit (c’est-à-dire les membres du conseil d’administration et du bureau) mais aussi les dirigeants de fait. Ainsi, un directeur salarié sera considéré comme dirigeant de fait s’il « exerce au cours de la période considérée, en toute indépendance, une activité positive de direction de l’association » (Cour de cassation, chambre commerciale, 27 juin 2006, n°04-16.296). Le directeur salarié doit donc être contrôlé par le conseil d’administration, qui détermine la politique générale de l’association, pour pouvoir être rémunéré au-delà des trois quarts du SMIC sans que l’association perde la qualité d’intérêt général.
En outre, les dirigeants ne peuvent être rémunérés au-delà des trois quarts du SMIC au titre d’une activité salariée distincte de leurs fonctions de dirigeant (Conseil d’État, 28 avril 1986, n°41125).
L’absence d’activités lucratives
La lucrativité est appréciée activité par activité selon une démarche en trois étapes (Conseil d’État, 1er octobre 1999, n°170289) :
- l’examen du caractère intéressé de la gestion de l’association (voir plus haut) ;
- l’examen de la situation de l’association au regard de la concurrence : l’administration fiscale s’interrogera sur l’existence d’entreprises lucratives exerçant une ou plusieurs des activités de l’association ;
- l’examen des conditions d’exercice de l’activité : l’administration déterminera si l’association exerce son activité dans des conditions similaires à celles d’une entreprise lucrative.
Si certaines activités de l’association sont considérées comme lucratives, l’association ne perd pas pour autant sa qualité d’intérêt général, à condition que ces activités restent accessoires et à condition de mettre en place une comptabilité distincte pour les secteurs lucratif et non lucratif. Seul le secteur non lucratif sera alors considéré d’intérêt général et pourra recevoir des dons et délivrer, pour ceux-ci, des reçus fiscaux.
L’association doit profiter au-delà d’un cercle restreint de personnes
Une association ne sera pas considérée comme d’intérêt général si elle poursuit des intérêts particuliers (ceux d'une ou plusieurs personnes clairement individualisables, membre(s) ou non de l'association), par exemples les intérêts de quelques familles, entreprises, chercheurs, etc.
L’association loi de 1901 reconnue d’utilité publique
En vertu de l’article 10 de la loi du 1er juillet 1901, les associations d’intérêt général déclarées à la préfecture depuis au moins 3 ans peuvent déposer une demande de reconnaissance d’utilité publique. Cette reconnaissance par décret en Conseil d’État garantit la crédibilité de l’association et facilite souvent l’obtention de dons.
Son intérêt est cependant plus limité depuis la loi sur l’Économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014, qui permet aux associations d’intérêt général déclarées depuis 3 ans de recevoir des dons et legs, jusque-là réservés aux seules associations et fondations reconnues d’utilité publique. Des différences notables persistent néanmoins : le préfet ne dispose pas d’une faculté d’opposition aux dons et legs faits aux associations reconnues d’utilité publique (article 910 alinéa 4 du Code civil) et les dons et legs faits à ces associations sont exonérés de droits de succession.
L’association reconnue d’utilité publique est en outre soumise à l’impôt sur les sociétés (à taux réduit) en raison de ses revenus patrimoniaux, de la même manière que les autres associations.
Pour être reconnue d’utilité publique, l’association doit remplir les conditions suivantes :
- l'objet statutaire de l'association doit bien sûr présenter un caractère d'intérêt général ;
- l'association doit faire la preuve de l'exercice d'une influence et d'un rayonnement suffisants (à titre indicatif, l’association devra rassembler au moins 200 membres) ;
- la solidité financière tangible de l'association doit également être démontrée : elle doit disposer d’un montant annuel minimum de ressources de 46 000 euros et provenant en majorité de ressources propres ;
- l'association doit se doter de statuts conformes aux statuts-types approuvés par le Conseil d'État.
La fondation d’utilité publique
A l’origine, une fondation est un acte par lequel une personne affecte une partie de ses biens à une œuvre d’intérêt général à but non lucratif. Cependant, une fondation peut obtenir la personnalité morale (c’est-à-dire la capacité d’ester en justice, mais aussi de recevoir des dons) si elle est reconnue d’utilité publique.
Pour ce faire, la fondation doit être d’intérêt général, donc remplir les trois conditions évoquées ci-dessus (gestion désintéressée, absence d’activité lucrative, profiter au-delà d’un cercle restreint de personnes). Cela lui permet d’émettre des reçus fiscaux et d’être exemptée d’impôts commerciaux de la même manière que l’association loi de 1901.
De plus, les statuts de la fondation doivent être établis conformément à des modèles approuvés par le Conseil d’État. Ces statuts-types prévoient qu’une fondation est gérée par un conseil d’administration ou par un directoire avec conseil de surveillance mais qu’elle ne comprend pas d’assemblée générale.
En outre, la dotation initiale d’une fondation d’utilité publique doit dépasser un million et demi d’euros. Cette dotation initiale ne peut être aliénée, c’est-à-dire que seuls les revenus tirés de cette dotation peuvent être utilisés (intérêts, loyers…). Ainsi, seules les libéralités reçues après la création de la fondation pourront être aliénées. L’aliénation de la dotation initiale peut cependant être exceptionnellement autorisée par l’administration sous réserve du maintien de la valeur réelle de la dotation.
De la même manière que l’association d’utilité publique, la fondation d’utilité publique peut recevoir des dons et legs sans faculté d’opposition du préfet (article 910 alinéa 4 du Code civil) et ces dons et legs sont exonérés de droits de succession.
Enfin, au niveau fiscal, la fondation reconnue d’utilité publique est encore plus intéressante que l’association reconnue d’utilité publique car elle n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés en raison de ses revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à ses activités lucratives.
La fondation d’entreprise
La fondation d’entreprise, instituée par la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, est une personne morale à but non lucratif créée en vue de la réalisation d'une œuvre d'intérêt général par des entreprises (sociétés civiles ou commerciales), des établissements publics à caractère industriel et commercial, des coopératives, des institutions de prévoyance ou des mutuelles.
Les fondateurs disposent de la liberté statutaire et aucuns statuts-types n’ont été prévus, à l’inverse des fondations d’utilité publique. Cependant, la gestion des fondations d’entreprise reste encadrée. Elles sont créées pour une durée déterminée, qui ne peut être inférieure à 5 ans. Elles doivent être obligatoirement administrées par un conseil d'administration composé pour les 2/3 au maximum des fondateurs et de représentants du personnel des entreprises fondatrices et pour 1/3 au moins de personnalités qualifiées dans leurs domaines d'intervention, choisies par les fondateurs. Les statuts doivent comprendre un programme d’action pluriannuel dont le montant ne peut être inférieur à 150 000 euros minimum (sur 5 ans maximum). Les sommes que chaque donateur s’engage à verser à cet effet sont garanties par caution bancaire.
Le respect de toutes ces conditions est vérifié par la préfecture, car la fondation d’entreprise ne dispose de la personnalité morale qu’après avoir été autorisée.
Les fondateurs disposent de flexibilité dans la gestion des ressources de la fondation : si une dotation initiale est constituée, elle ne peut être aliénée, mais les fondateurs se contentent en général de faire des versements réguliers, qui eux, peuvent être aliénés.
Cependant, à l’inverse des associations et des fondations reconnues d’utilité publique, la fondation d’entreprise ne peut pas faire appel à la générosité publique et ne peut pas recevoir de dons ou legs. Elle peut toutefois recevoir des dons effectués par les salariés, mandataires sociaux, sociétaires, adhérents ou actionnaires de l'entreprise fondatrice ou des entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise fondatrice.
En matière fiscale, de la même manière que les autres organismes sans but lucratif, la fondation d’entreprise est exemptée d’impôts commerciaux si elle a une gestion désintéressée, si ses activités non lucratives sont significativement prépondérantes et si les recettes tirées de ses activités lucratives (qui ne peuvent être que des prestations de services, et non des ventes de biens) ne dépassent pas 72 000 euros en 2020. Les fondations d’entreprise sont cependant soumises à l’impôt sur les sociétés (à taux réduit) en raison de leurs revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à leurs activités lucratives.
De la même manière que les autres organismes sans but lucratif d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en œuvre du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises, les fondations d’entreprise peuvent émettre des reçus fiscaux ouvrant droit à des réductions d’impôts.
Le fonds de dotation
Le fonds de dotation est une forme juridique très utilisée car elle allie les souplesses du cadre associatif avec les avantages en matière de capacité juridique des fondations d’utilité publique.
Tout d’abord, la création d’un fonds de dotation est beaucoup plus simple qu’une fondation d’utilité publique : de la même manière qu’une association, il suffit de déclarer le fonds en préfecture. Les statuts peuvent également être librement rédigés, sous réserve de contenir certaines mentions obligatoires et de prévoir que le fonds est administré par un conseil d’administration. En outre, le montant minimum de la dotation initiale est beaucoup plus faible : il s’élève à 15 000 euros.
Ensuite, l’objectif d’un fonds de dotation est de faire fructifier une mise de départ et d’en utiliser les intérêts en vue de la réalisation d'une œuvre ou d'une mission d'intérêt général. Le fonds doit donc remplir les trois conditions évoquées ci-dessus et peut, si ces conditions sont remplies, émettre des reçus fiscaux et être exempté d’impôts commerciaux.
En outre, l’objectif étant d’utiliser les « revenus de la capitalisation » (article 140 de la loi LME), la dotation en capital (dotation initiale et libéralités reçues par la suite) ne peut en principe être consommée et seuls les revenus qui en sont tirés peuvent être utilisés.
Cependant, par exception, il est possible de prévoir dans les statuts que la dotation en capital peut être consommée à la suite d’une délibération du conseil d’administration. Les libéralités peuvent alors être directement utilisées pour la réalisation de projets et pour les frais de fonctionnement. Cependant, en contrepartie, le fonds perdra un avantage fiscal : il sera soumis à l’impôt sur les sociétés (à taux réduit) en raison des revenus patrimoniaux qui ne se rattachent pas à ses activités lucratives.
Un fonds de dotation peut également recevoir des dons et legs, sans même avoir à les déclarer et sans capacité d’opposition du préfet. Ces dons et legs ne sont pas soumis aux droits de succession.
Le principal inconvénient du fonds de dotation est l’impossibilité de recevoir des fonds publics. Une autre limite tient au fait que pour faire un appel public aux dons, un fonds de
dotation a besoin d’une autorisation administrative. L’autorisation ne peut cependant être refusée que dans des cas limitativement énumérés, notamment pour un motif d’ordre
public.
L’entreprise sociale
La loi sur l’Économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 a fait évoluer les structures juridiques pouvant se revendiquer de l’économie sociale et solidaire.
Avant 2014, seules les associations, fondations, coopératives et mutuelles le pouvaient. Dorénavant, les sociétés commerciales (SARL, SA, SAS…) recherchant une utilité sociale et répondant à certaines conditions (elles doivent notamment adopter un mode de fonctionnement démocratique et les bénéfices doivent être utilisés pour le maintien ou le développement de la structure) peuvent aussi se revendiquer de l’économie sociale et solidaire.
Cependant, de telles « entreprises sociales » ne sont pas des organismes sans but lucratif d’intérêt général et ne peuvent pas émettre des reçus fiscaux et être exemptées d’impôts commerciaux.
Le tableau suivant résume les avantages et inconvénients de chacun des organismes sans but lucratif étudiés, selon un certain nombre de critères.
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