Les technologies utilisant les radiofréquences font régulièrement débat, notamment en raison de leur très grand déploiement récent. Plusieurs questions concernant l’exposition régulière de la population à des champs électromagnétiques et l’impact de cette exposition sur la santé ont été soulevées. Les antennes-relais figurent parmi les équipements les plus contestés. Dans ce contexte, la loi dite « ELAN » du 23 novembre 2018 est venue poser de nouvelles règles rendant plus difficile de contester l'implantation de ces antennes. Nous proposons ici un petit mode d'emploi synthétique, à l'usage des particuliers et associations, sur la procédure à suivre et les arguments à soulever.
Vous pouvez être informés d’un projet d’installation d’une antenne-relais avant même que le maire ne prenne de décision de non-opposition à la déclaration de construction de l’antenne faite par l’opérateur.
En vertu de l’article L. 34-9-1 du Code des postes et des communications électroniques, toute personne souhaitant exploiter une antenne-relais doit transmettre un dossier d’information au maire un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme. Le maire doit ensuite mettre ce dossier d’information à disposition des habitants de sa commune « par tous moyens appropriés » et peut leur offrir la possibilité de « formuler des observations ».
De plus, l’article 30 de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France, prévoit que le Maire peut demander à l’opérateur la justification du choix de ne pas recourir à une solution de partage de site ou de pylône. Ceci ne vaut toutefois que dans les zones rurales à faible densité de population, dont les caractéristiques sont définies par le décret n° 2023-4 du 4 janvier 2023 relatif aux modalités d'information du maire concernant le partage de sites ou de pylônes hébergeant des installations radioélectriques et codifié à l'article R. 103-2 du code des postes et des communications électroniques.
Sont ainsi des zones rurales à faible densité de population au sens de l'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, l'ensemble des « communes rurales », ce qui comprend les niveaux « bourgs ruraux », « rural à habitat dispersé » et « rural à habitat très dispersé », au sein de la grille communale de densité telle que publiée en ligne par l'INSEE lors du dépôt du dossier d'information.
La grille communale de densité de l'INSEE est consultable directement sur le site de l'INSEE.
Cette prise en main du principe de mutualisation, en amont même du dépôt de la demande d’urbanisme, pourrait ainsi inciter d’avantage les opérateurs à favoriser des solutions de partage des sites ou des pylônes.
Il est possible dès ce stade de s’opposer au projet auprès de la mairie, si nécessaire en envoyant une lettre (recommandée avec accusé de réception) au maire.
Notons cependant que le maire peut accepter un délai plus court que le délai d’un mois. En outre, lorsqu’il s’agit de l’installation de la 4G sur une antenne-relais existante, l’information préalable n’est soumise à aucune condition de délai et ce jusqu’au 31 décembre 2022 (article L. 34-9-1 D).
Obtenir les documents en mairie
Pour constituer votre dossier, il convient de se rendre en mairie pour demander la communication :
Vous avez le droit d’accéder à ces documents en application des articles L. 300-1 et suivants du Code des relations entre le public et l’administration.
Vous pouvez également demander à la mairie des renseignements sur les règles d’urbanisme applicables. En particulier, nous vous conseillons de demander si l’immeuble sur lequel va être installée l’antenne-relais est situé dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables, dans les abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement. A Paris, cela est possible sur le site teleservices.paris.fr.
Vérifier la date de la décision du maire
Il convient de vérifier si la décision du maire a été prise avant ou après le 24 décembre 2018.
Si la décision de non-opposition du maire a été prise avant le 24 décembre 2018, elle ne peut être retirée que dans un délai de trois mois (article L. 424-5 du Code de l’urbanisme).
Comment comptabiliser ce délai ?
Si vous avez connaissance du projet d’implantation d’une antenne-relais dans ce délai,vous pouvez exercer un recours gracieux auprès de la mairie pour demander le retrait de la décision de non-opposition.
Si vous n’avez connaissance du projet qu’après le délai de trois mois(en général parce que la déclaration préalable a été affichée sur site beaucoup plus tard), vous pouvez toujours faire un recours gracieux comme préalable à une négociation avec la mairie et/ou les opérateurs mais la mairie ne pourra pas retirer sa décision de non-opposition. C’est alors le juge administratif qui sera votre seul recours. Celui-ci devra être saisi dans des délais précis également (V. ci-après).
Si la décision de non-opposition du maire a été prise entre le 24 décembre 2018 et le 31 décembre 2022, sa décision ne peut être retirée (article 222 de la loi ELAN). Dans ce cas, seul un recours contentieux devant le juge administratif ou une éventuelle négociation auprès de la mairie ou de l’opérateur sont possibles.
En revanche, les arrêtés de non-opposition pris depuis le 1er janvier 2023 peuvent être retirés dans les 3 mois suivant la date de leur adoption (article L. 424-5 du Code de l'urbanisme), en raison de leur illégalité. Avant de prendre un arrêté de retrait, le maire doit en informer le bénéficiaire et lui offrir un délai raisonnable (15 jours au minimum) pour présenter ses observations.
Vérifier la date d’affichage de la déclaration préalable sur site
Le délai de recours contentieux est de deux mois à compter de l’affichage sur le terrain de la déclaration préalable (article R. 600-2 du Code de l’urbanisme). Il convient donc de noter la date à laquelle le panneau d’information a été affiché sur place. Si vous ne savez pas, nous vous conseillons de vérifier si un huissier est intervenu pour faire un constat d’affichage et, si c’est le cas, de prendre contact avec lui pour lui demander la copie de son constat et la date précise de l’affichage.
Si vous habitez à Paris
A Paris, un projet de création ou de modification substantielle d’une antenne-relais fait l’objet d’un examen à trois niveaux, prévu par la Charte relative à la téléphonie mobile, telle que mise à jour le 15 mars 2021 :
1. Le dossier est soumis par les opérateurs à l’Agence d’écologie urbaine de la ville de Paris, qui publie une fiche de synthèse sur paris.fr et peut mettre à disposition le dossier et l’estimation des niveaux de champs électromagnétiques produits par l’antenne-relais. Les opérateurs doivent transmettre le dossier aux bailleurs et propriétaires d’immeubles et les incitent à le transmettre à leurs locataires afin d’assurer leur bonne information. (N.B. : cet examen n’a pas lieu s’agissant des dossiers de partage dynamique de fréquences entre 4G et 5G, sans ajout d’antennes, qui ne modifient pas les niveaux d’exposition aux ondes autour des antennes selon l’Agence Nationale des Fréquences).
2. En cas d’implantation d’une nouvelle antenne, d’un ajout de nouvelles technologies à une antenne existante ou d’une modification des azimuts, la mairie de l’arrondissement concernée étudie le dossier, informe et se concerte avec les riverains et rend un avis dans un délai de deux à trois mois.
3. En cas d’avis défavorable de la mairie d’arrondissement, le projet est étudié par la Commission de Concertation de la Téléphonie Mobile regroupant les élus parisiens, les associations de citoyens et les opérateurs, dont le Président rendra un avis motivé, fondé sur les critères de la Charte relative à la téléphonie mobile. Des mesures préalables et/ou des mesures de contrôle peuvent être également demandées à cette occasion (Voir ci-après).
En cas d’avis négatif, l’opérateur révise le dossier afin qu’il corresponde aux critères de la Charte. Une concertation renforcée peut également être lancée afin de trouver un site alternatif de réception de l’antenne.
Plus d’informations sur le site dédié de la ville de Paris.
NB : Pour les personnes n'habitant pas à Paris, mais dans d'autres grandes villes de France, des dispositions similaires existent. Plus d'informations ici...
A titre liminaire, il convient de préciser qu’un recours gracieux est une demande de retrait de la décision du maire, adressée à celui-ci par LRAR. Ce recours doit impérativement être notifié par courrier en recommandé, au bénéficiaire de la décision, dans les 15 jours suivant son envoi (article R. 600-1 du Code de l'urbanisme). Il est en effet nécessaire d'en envoyer une copie à l'opérateur. Par ailleurs, les preuves d'envoi et de réception doivent être conservées. Dans le contexte des antennes-relais, le recours gracieux peut être adressé par des riverains nommément identifiés.
Le délai de recours est de deux mois suivant l'affichage de l'autorisation d'urbanisme sur le terrain (article R. 600-2 du Code de l'urbanisme). Ainsi, l'exercice du recours gracieux a pour effet de prolonger le délai de recours contentieux, d'un délai variable en fonction de la réponse du Maire.
a. Le devoir de mutualisation des sites accueillant des antennes entre les opérateurs
L’article D.98-6-1 du Code des postes et des communications électroniques prévoit la mutualisation des installations radioélectriques sous réserve de « faisabilité technique ». Si vous identifiez sur le site www.cartoradio.frque des antennes-relais d’autres opérateurs se trouvent à proximité immédiate de l’antenne-relais que vous contestez, vous pouvez faire valoir le non-respect de ce devoir de mutualisation
b. La présence d’établissements scolaires, crèches ou établissements de soins à moins de 100 mètres
L'article 5 du décret n°2002-775 du 3 mai 2002 pris en application du 12° de l'article L. 32 du Code des postes et télécommunications dispose que le dossier d’information fourni par les opérateurs à la Mairie préalablement au dépôt de la déclaration préalable doit préciser les actions engagées pour assurer qu'au sein des établissements scolaires, crèches ou établissements de soins qui sont situées dans un rayon de cent mètres de l’antenne-relais, l'exposition du public au champ électromagnétique émis par l'équipement ou l'installation soit aussi faible que possible tout en préservant la qualité du service rendu.
La Charte relative à la téléphonie mobile élaborée entre la Ville de Paris et les exploitants de réseaux de téléphonie mobile Bouygues Télécom, SFR, Orange et Free Mobile, mise à jour le 15 mars 2021, ne comporte plus de mention spécifique concernant la présence d'établissements scolaires, crèches ou établissements de soins à moins de 100 mètres.
Toutefois, la Charte impose désormais un niveau maximal d'exposition aux ondes fixé à 5V/m (équivalent 900 MHz) en tout lieu de vie intérieur (la précédente charte affichait une valeur limite de 7 V/m), ce qui est considérablement plus bas que les niveaux règlementaires (V. ci-après).
Tout particulier peut demander que des mesures de contrôle soient réalisées gratuitement chez lui par l’Agence Nationale des Fréquence (ANFR).
c. Si l’immeuble se trouve dans le périmètre des monuments historiques ou des sites patrimoniaux remarquables
Si l’immeuble sur lequel va être installée l’antenne-relais est situé dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables ou dans celui des monuments historiques, il convient de vérifier si l’architecte des Bâtiments de France a bien donné son avis.
En effet, les articles L. 621-32, L. 632-1, L. 632-2 et L. 632-2-1 du Code du patrimoine requièrent l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France sur le projet d’installation de l’antenne-relais lorsque le bâtiment sur lequel va être installée l’antenne-relais se trouve dans le périmètre de protection des monuments historiques ou dans le périmètre d’un site patrimonial remarquable.
Si la déclaration préalable a été déposée avant le 25 novembre 2018, cet avis doit être favorable.
Vous pouvez vérifier dans le dossier transmis par la mairie si ces formalités ont bien été respectées.
d. Le non-respect des procédures requises par le Code de l’urbanisme
Si la demande en mairie de l’opérateur a été déposée avant le 13 décembre 2018 et que la hauteur de l’antenne est supérieure à douze mètres (article R. 421-9, a) du Code de l’urbanisme), la construction de l’antenne-relais est soumise à permis de construire(et non à une simple déclaration préalable). Si l’opérateur n’a fait qu’une déclaration préalable, vous pourrez le faire valoir dans votre recours gracieux.
e. Le non-respect des préconisations des services départementaux d’urbanisme
Les services départementaux d’urbanisme font parfois des recommandations à l’occasion du dépôt d’un dossier de déclaration préalable (par ex., recul minimal de l’antenne par rapport à la rue, pour limiter sa visibilité). Ces recommandations se trouveront également dans le dossier de déclaration, que vous vous serez fait remettre par la mairie. Si elles n’ont pas été respectées, nous vous invitons également à l’indiquer dans votre lettre valant recours gracieux.
Attention au délai de recours
Le délai de recours est de deux mois à compter de l’affichage sur le terrain de la déclaration préalable (article R. 600-2 du Code de l’urbanisme). Si vous ne connaissez pas cette date, sachez qu’il reviendra à l’opérateur de prouver la date d’affichage. Le meilleur moyen pour lui d’apporter cette preuve est de recourir aux services d’un huissier de justice. Dans ce cas, l’existence d’un constat d’affichage réalisé par huissier se trouve généralement mentionnée sur le panneau d’affichage lui-même. Vous pourrez alors vérifier directement auprès de l’huissier à quelle date il a constaté l’apposition du panneau sur site. Si un huissier n’a pas été requis, il sera beaucoup plus difficile pour l’opérateur d’apporter la preuve de la date précise à laquelle le panneau d’affichage a été apposé sur site. Vous pourrez alors raisonnablement considérer, pour saisir la juridiction administrative, que le délai de recours contentieux n’a pas commencé à courir.
Attention à la recevabilité de l’action d’une association
L’association doit, pour que son action soit déclarée recevable par le juge administratif :
Il est conseillé, dans tous les cas, que l’action contentieuse soit également menée par des particuliers riverains de l’antenne-relais, car la recevabilité de leur action sera moins aisément contestable.
Attention aux faibles chances de réussite d’un recours fondé uniquement sur le principe de précaution
Le Tribunal des conflits a jugé que seul le juge administratif était compétent pour « connaître de l'action tendant à obtenir l'interruption de l'émission, l'interdiction, l'enlèvement ou le déplacement d'une station radioélectrique autorisée en cas de risque de brouillage ou d'atteinte à la santé au motif que la police administrative spéciale des ondes électromagnétiques est alors en cause » (Tribunal des Conflits, 14 mai 2012, n° 3844).
Or le juge administratif considère actuellement qu’en l’absence d’études scientifiques démontrant un risque sanitaire lié aux ondes électromagnétiques, le principe de précaution ne peut être mis en œuvre (CE, 19 juillet 2010, n°328687). L’enlèvement de l’antenne ne pourra donc être obtenu sur ce fondement.
Sachez de plus que les valeurs limites d'exposition du public aux champs électromagnétiques, issues d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne n°1999/519/CE et, en France, du décret n°2002-775 du 3 mai 2002 sont très élevées. Elles dépendent de la fréquence utilisée par l’émetteur :
· pour une antenne GSM 900 : 41 V/m
· pour une antenne GSM 1800 : 58 V/m
· pour une antenne UMTS (3G et 4G) : 61 V/m
Il est pratiquement impossible, pour une antenne isolée, d’engendrer un dépassement de ces valeurs limites.
Attention au devoir d’information de l’opérateur (et du maire) concernant toutes vos démarches
L’article R.600-1 du Code de l’urbanisme impose à l’auteur d’un recours gracieux et/ou d’un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de son action devant la juridiction administrative, de notifier son recours à l’auteur et au bénéficiaire de l’autorisation administrative. Cette notification doit être réalisée par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai maximal de quinze jours à compter du dépôt du recours.
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De plus, si vous souhaitez engager un recours en référé, c’est-à-dire une action contentieuse donnant lieu à une décision provisoire dans l’attente du jugement au fond, il convient également d’être vigilant quant au délai.
Ainsi, un recours en référé suspension (article L. 521-1 du Code de justice administrative) contre une décision d’utilisation ou d’occupation des sols - qui concerne notamment les antennes-relais - doit être exercé avant l'expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. Dans ce cas, et par exception à la règle de principe, la condition d’urgence est présumée (cf. art. L. 600-3 du Code de l’urbanisme).
Cette date de cristallisation des moyens est automatiquement fixée à deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cependant, le président de la formation de jugement peut également fixer une nouvelle date lorsque l’affaire le justifie (art. R. 600-5 du Code de l’urbanisme).
En cas de dépassement du délai, le recours en référé sera rejeté comme irrecevable : les moyens soulevés ne seront même pas étudiés.
Par exemple, si vous exercez un recours contentieux au fond le 1er février et que le mémoire en défense de l’opérateur ou de la commune a été communiqué le 15 mars, vous ne pourrez exercer un recours en référé que jusqu’au 15 mai.
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